Le GUI, plante d’un autre monde. 2. Mythologie, symbolisme

LE GUI, PLANTE D’UN AUTRE MONDE 

MYTHOLOGIE, FOLKLORE ET SYMBOLISME DU GUI

Dr Jean Hubert GUEGUEN

 

« Tout, dans l’histoire du Gui, est matière à surprise ». J. CONSTANTIN

De tous temps, le Gui a impressionné l’homme. Dans le Grèce la plus antique, la plante possède la réputation mystérieuse de pouvoir ouvrir les portes des mondes inférieurs. De la Norvège à la Sicile, de l’Espagne au Caucase, au Japon, en Afrique, en Amérique, il fut utilisé comme remède contre toutes sortes de maléfices.

 

  1. LE GUI DANS LA TRADITION CELTIQUE
  • LES DRUIDES

Les Druides ont été les détenteurs de la seule forme de tradition que l’Occident ait jamais connue et c’est finalement tout ce qui fait l’intérêt de leur étude.

Avant d’étudier le Gui dans la tradition celtique, il nous paraît intéressant d’essayer  de cerner la définition et l’origine si controversée du mot druide. Des chercheurs et des amateurs ont proposé des étymologies sans connaître une seule des langues celtiques.

« Le nom de druide est propre au monde celtique, explicable par les seules langes celtiques avec des éléments constitutifs indo-européens : la forme gauloise druide (druis au singulier) utilisée par César dans le « De bello gallico », de même que l’irlandais druid, remontent à un prototype  dru wid-es« Les très savants », Les très voyants », « Les clairs voyants » qui contient la même racine que le latin videre « voir » le gothique witoir, l’allemand wissen, « savoir ». Il n’existe aucune possibilité de relier le nom des druides à celui du chêne (gaulois dervo, irlandais daur, dar, gallois derw, breton derv) »

Les fonctions druidiques sont plus vastes que la seule  vénération du chêne. Il est le prêtre investi de l’autorité spirituelle, détenteur de la science sacrée, ministre de la religion et gardien de la tradition. Il est l’initié, l’intermédiaire entre les dieux et les hommes.

Pour Patrice GENTY, les druides furent chez les Celtes ce que furent les prophèes chez les Hébreux.

Selon A.SAVORET, le nom Viddon ou Gwyddon renferme celui de la plante sacrée : le Gui. Le terme vidubium, la faucille à Gui, est dérivé de vidu, bois, homonyme de science. Le nom même du Gui signifiait « herbe de science » (de Sapience).

A.SAVORET (Ab Gwalwys) émet l’idée que, pour les druides, le Gui, panacée universelle (pléonasme consacré par l’usage),  grand purificateur, était semblable à ce que « les alchimistes authentiques entendaient par Pierre Philosophale, celle-ci étant considérée comme la pierre de la Sagesse, propre à guérir tous les maux de l’humanité. Le fameux breuvage du savoir, tiré du Gui, n’était pas seulement un symbole, mais aussi une réalité, un remède extrêmement efficace, un purificateur physiologique et même psychique sous certaines conditions. Il pouvait préparer certaines natures d’élite à la réception du vivant savoir des druides, à l’illumination.

 

  • LE DRUIDISME

Le druidisme peut être considéré comme une école de vie qui tend à développer en l’être humain le respect de tous les règnes de la nature :

Un œil qui sache voir la nature

Un cœur qui aime ressentir la nature

Un esprit qui puisse penser la nature

Une volonté qui ose suivre la nature.

 

L’unité foncière des Celtes n’est pas celle d’un centralisme politique ou administratif, pas plus qu’une unité linguistique, mais une unité traditionnelle ou religieuse profonde.

« Alors que Rome privilégiait le pouvoir politique et militaire, les Celtes ont respecté la primauté de l’autorité spirituelle, et le religieux, avec le Druide, l’a emporté sur le profane… Les Druides prohibaient l’emploi religieux ou intellectuel de l’écriture »

La relation intime avec la nature et la maîtrise des éléments : Le Druide et le « file » (poète) sont maîtres de l’eau. Maints récits montrent ce pouvoir. Voici un court passage d’Aed Mac Ainine : « Le poète fut arrêté par ordre de Conchobar et il demanda à mourir noyé. Conchobar le lui accorda. On l’emmena donc successivement à tous les lacs d’Irlande, mais il incantait l’eau et frappait chaque grève de sorte qu’il n’y avait plus une goutte d’eau, ni rivière, ni lac, où le noyer ».

Dans le dialogue des Deux Sages, un file a pouvoir sur les vagues de la mer. Ceci s’explique en partie par le fait que l’eau est le moyen de passage ordinaire dans l’Autre Monde – Monde des Dieux, des êtres surnaturels ou féériques – dont justement le druide est le passeur, l’intermédiaire avec notre monde.

Si l’eau est le plus souvent dévolue au file, le feu est bien l’élément du druide. C’est le feu du druide le plus puissant, le plus habile en magie qui l’emporte. A la fête de Beltaine (feu de Bel) on amenait les troupeaux à ces feux pour les protéger des épidémies.

Le « vent druidique » est le troisième aspect de l’action sur les éléments. Par ce moyen, les druides de Tuatha Dé Danaan auraient tenté d’empêcher les fils de Mil de débarquer en Irlande. Ou encore : Mogh Ruith dit « Mon Dieu m’a promis que je les transformerais en pierres quand je les aurai à ma portée, si seulement je parviens à souffler sur eux ». Il leur envoya un souffle druidique, et il les transforma en pierres.

Le druide a également pouvoir sur la terre. Il fait s’affaisser collines et montagnes.

Le pouvoir de druide s’étend aux quatre éléments. C’est bien ainsi qu’est décrit le chef des druides d’Ulster, Cathbad : « Quel est là-bas cet homme, ô Fergus » ? dit Ailill.

« Je le sais, dit Fergus, c’est le fondement de la science, celui qui commande aux éléments, celui qui monte au ciel, qui aveugle les yeux, qui paralyse les pouvoirs étrangers par son intelligence druidique, c’est Cathbad, le druide aimable ».

 

  • LES FÊTES DRUIDIQUES

Quatre fêtes partagent l’année, formant une croix de Saint-André qui, comparée à la croix verticale-horizontale, plus statique, plus physique, paraît dynamique et comme « éthérique ».

Imbolc (1er février). Fête de la fécondité et surtout fête lustrale après les rigueurs et les souillures de l’hiver.

Beltaine (1er mai) littéralement : « feu de mai ».

Cette fête est l’exaltation de l’élément feu, fête sacerdotale, druidique par excellence. Les druides veillaient sur le caractère solaire, igné de leur fête propre.

Lugnasad (1er août) ou la fête du Roi. « Assemblée en l’honneur de Lug » fête royale protectrice, garantissant la paix et l’abondance. Toutes les classes sociales y participent.

Samain (1er novembre) début et fin de l’année, banquet militaire et fête totale. C’est toujours à Samain que le roi subit la mort rituelle, que meurent les dieux et les héros.

Le temps entier s’y résume. Moment redoutable où « tout le surnaturel se précipite, prêt à envahir le monde humain » (M.L. Sjoested).

« Fin et début de l’année, n’appartenant pas à celle qui se termine et pas davantage à celle qui commence, fin de la saison claire et commencement de la saison sombre, Samain est en dehors du temps».

Aujourd’hui fête de tous les saints : la sainteté, n’est-ce pas aussi vivre dans le temps et hors du temps – dans l’éternel présent de Dieu ?

Samain et Beltaine sont les deux pôles de l’année celtique partagée entre la lumière et la nuit.

Les deux fêtes les plus solennelles avaient lieu quand le soleil arrivait aux points équinoxiaux et solsticiaux qui, il y a environ 4 000 ans, correspondaient aux 1er mai et 1er novembre.

 

  • LA FÊTE DE LA CUEILLETTE DU GUI

Cette fête, au Solstice d’hiver, a été diversement appréciée par les auteurs modernes.

Pour le druide du Collège des Druides, Bardes et Ovates de Bretagne E.COARER-KALONDAN, la fête du Solstice d’hiver portait un nom très particulier qui nous serait parvenu sous sa forme originelle : Egi an Ed : le blé germe – Eginane en breton et d’autres formes dialectales abâtardies.

La signification serait la suivante : à cette époque de l’année, les semences enfouies en terre commencent à germer. «  La résurrection de la nature entière, symbole de la réincarnation, se produisant exactement à la date où le temps d’ensoleillement de la planète reprend son cours ascendant ». Pour cet auteur, la cueillette du Gui n’entraînait aucune réjouissance  populaire ; elle avait lieu quelques jours avant l’Egi an Ed et se déroulait comme la cueillette des autres herbes.

Ed.SCHURE décrit de manière poétique dans son étude sur « Le réveil de l’âme celtique » que « la cueillette du Gui pendant la nuit sainte » est « la plus mystérieuse et la plus sacrée de leurs fêtes religieuses ». « Les  sages de la Celtide avaient une vénération particulière pour toutes les plantes … Ils croyaient qu’elles viennent d’un monde supérieur plus pur que la terre… Les druides observaient leurs émanations magnétiques, leur auréole d’éther visible seulement à des yeux exercés, leurs rapports intimes avec les astres et la subtile sympathie qui leur fait ouvrir ou fermer leurs pétales au soleil ou à la lune. Mais aucune plante ne leur semblait plus miraculeuse que le Gui, car il vivifiait pour eux la pensée-mère de leur doctrine. Les autres plantes croissent pêle-mêle et au hasard sur le vaste sein de la terre. Le Gui ne pousse que sur le chêne où germe sa semence apportée par les oiseaux du ciel… Et tandis que l’arbre géant se dépouille, branche après branche, quand toute la forêt semble morte sous l’épais linceul de la neige hivernale, le Gui toujours vert fleurit seul sur le tronc du chêne. Ainsi, disaient les druides, l’âme humaine qui vient d’ailleurs, s’incarne dans un corps approprié et survit à la mort des choses. La fête du Gui, célébrée au solstice d’hiver, pendant la nuit la plus longue de l’année, Mathaïr Nocht, la Nuit-Mère comme on l’appelait, marquait donc à la fois le retour des âmes sur la terre et leur vie immortelle, le recommencement de l’homme avec l’incarnation et le recommencement de l’année avec le nouveau cours du soleil.

Nous pouvons nous figurer cette cérémonie que Pline a scrupuleusement décrite… Ce qui nous échappe aujourd’hui, ce sont les émotions de l’assemblée, sous le chêne puissant qui laissait luire la pleine lune à travers ses branches. Ici, rien de bruyant, rien qui pût rappeler l’exaltation joyeuse de la fête printanière, mais un recueillement profond, une attente inquiète, un silence solennel, interrompu seulement par le frémissement des harpes et le choc des armures appendues aux bras de l’arbre séculaire. Bélen, le Dieu solaire, était le maître des âmes ; mais il chargeait la déesse de la Lune, nommée tour à tour Bélisama, Sirona ou Koridven chez les Gaulois, de renvoyer à la terre les âmes qui devaient  se réincarner. A ce moment peut-être, plus d’une femme enceinte – de celle qui savaient le secret du Gui par les druidesses – croyaient sentir le frôlement des ancêtres invisibles, sous la caresse des rayons lunaires, et devait frémir, comme au toucher d’une âme, au premier tressaillement de l’enfant à naître dans son sein…

Ces puissants intuitifs furent des fils de Saturne aspirant au Soleil. Possesseurs d’une tradition obscure, ils n’en eurent pas moins des lueurs étonnantes de l’Au-delà et leur doctrine du génie individuel, de l’Awenn peut être considérée comme le principe dominant de leur race qui persistera à travers toute l’histoire de France.

  • Un des rituels pratiqués à notre époque :

Au jour de la Modra Necht ou Solstice d’hiver, le cortège des Bardes, Ovates, Eubages et Druides, précédé des Disciples, se dirige sous la conduite du Héraut vers le Chêne sur lequel a poussé la plante sacrée. Ayant fait par trois fois le tour du lieu rituel, le Héraut s’arrête, face au Nord, trace de son épée le cercle solaire sur le sol et reçoit du Druide officiant ou, à défaut, du plus haut dignitaire de l’Ordre, la mission de sonner de la trompe aux quatre points cardinaux en demandant : « Au Nord, y a-t’il la paix ? » Le Héraut se tourne ensuite vers l’Est où siègent les Bardes, le Sud où sont Ovates et Eubages, l’Ouest où se tiennent les Druides, en posant la même question après avoir sonné de la trompe.

Ayant reçu les réponses affirmatives, car ces cérémonies ne se peuvent célébrer avec faste qu’en temps de paix, le Héraut salue l’Officiant de l’épée et l’informe que, la paix régnant en Celtide, la cérémonie peut avoir lieu.

L’officiant, armé de la faucille scintillante, se dirige vers l’arbre désigné et rappelle le sens du rituel de cette résurrection symbolique. Dame Koridwen, la maîtresse de cérémonie, en principe une Druidesse, remet un linge blanc au quatre dames ou, de préférence, jeunes filles choisies par elle et les place sous la branche dont le Druide va couper le Gui et, ayant tracé le signe sacré de la Croix Celtique, invoque les Puissances des Esprits de nos aïeux, en disant la prière : « Esprits bienfaisants et âmes des Celtes ». Dame Koridwen peut, à son gré, invoquer nominativement ceux de nos désincarnés.

Puis l’officiant ayant, si cela est utile, gravi les degrés de l’échelle qui lui est apportée sous l’arbre, coupe la touffe de Gui en clamant très haut :

« O ghel an Heu ! » (Le blé se lève)

Cet usage maintenu tout le Moyen Age, sans dévoiler le sens profond du rite, fut mal compris de la foule qui traduisit : « Au Gui l’An Neuf ».

La touffe, puis les suivantes tombent dans le drap tendu, mais aucune ne doit toucher terre. Seules y ont accès la Druidesse et ses filles d’honneur qui emporteront et traiteront les boules pour en faire des onguents.

S’il reste du Gui, le Druide passe la faucille à son adjoint, le Pendragon.

L’officiant, redescend et récite solennellement la grande prière : « Donne-nous ô Dieu, ton appui… » tandis que Dame Koridwen offre un brin de Gui aux dignitaires présents, puis assistée de deux dames, vient offrir à chacun la coupe d’hydromel et la galette en signe de communion entre eux et en hommage aux Puissances qui ont permis cette récolte.

On peut alors entendre la harpe ou autre instrument de musique pour harmoniser les rapports entre humains et désincarnés. Puis, dans le même ordre, le cortège suit le Héraut et se retire de la Clairière.

 

         LA « MAGIE VEGETALE » ET LA MEDECINE DRUIDIQUE

  1. Les plantes

Parmi les plantes dont l’emploi thérapeutique est attesté chez les Celtes figurent l’Absinthe, la Centaurée que les Gaulois nomment exacon, car selon PLINE elle fait évacuer par le bas toutes les substances toxiques ; le Limaeum, non identifié avec certitude ; la Verveine appelée Louzaouenn ar groaz, l’herbe de la croix en Bretagne ; elle passait pour protéger de tout maléfice celui qui la portait.

Le philtre composé de jusquiame et de verveine procure un profond sommeil et divise la personnalité en la restituant à sa condition presque uniquement végétale, écrit Théophile BRIANT dans le Testament de Merlin.

PLINE nous apprend que semblable à la sabine est la plante appelée Selago. Pour la cueillir, on ne fait pas usage du fer ; on passe la main droite du côté gauche du vêtement, comme pour commettre un vol ; il faut, de plus, être habillé de blanc, avoir les pieds lavés et nus et avoir offert auparavant du pain et du vin ; on emporte la plante dans un linge neuf. Les Druides de Gaule disent qu’elle sert de talisman contre toute maladie et que la fumée en guérit toutes les affections des yeux.  Les Druides utilisent aussi une plante qui croît dans les marais et qu’ il nomment Samolus. (Est-ce Samolus valerandi?).  Celle-là doit être cueillie de la main gauche, à jeun, et constitue un talisman contre les maladies des troupeaux. Mais celui qui la cueille ne doit ni regarder derrière lui ni déposer la plante ailleurs que là où l’on conserve les boissons.

Le Gui est certainement la plus connue des plantes utilisées par les Celtes.

2. Les arbres sacrés des Druides

L’arbre et l’homme présentent de nombreuses analogies. Tous deux sont un trait d’union entre le ciel et la terre. Ils sont également tripartis :

  • Les racines correspondent au pôle céphalique
  • Le tronc et la ramure à la zone rythmique. G.GRAZI a montré que le cambium dans l’arbre assumait la fonction du cœur chez l’homme.
  • La floraison et la fructification sont en relation avec le pôle métabolique et la reproduction.

Mais l’arbre est plus ancien. Il a « vu » plus de choses que l’homme. « Qui comprend le langage des arbres apprend d’eux le passé et la sagesse du monde ».

Les Irlandais semblent avoir utilisé le sorbier et le coudrier dans leurs opérations magiques.

L‘if servait fréquemment aux incantations divinatoires, E. COARER-KALONDAN l’attribue aux Ovates ; de même qu’il indique le bouleau comme arbre des Bardes.

Dans la navigation de Bran, une branche de pommier est le moyen de garder contact avec l’Autre Monde.

Dans d’autres récits, la pomme est le fruit de l’immortalité, de la science et de la sagesse. La pomme est un moyen d’entrer ou de rester en contact avec l’Autre Monde, mais ce ne sont jamais les Druides qui la donnent aux humains.

L’île d’Avallon, dont le nom se rattache étymologiquement à celui de la pomme (aval en breton), est dans les textes celtiques la localisation de l’Autre Monde.

Pour le Druide, la forêt est un sanctuaire, la clairière un temple et l’arbre – surtout le chêne – un inspirateur ; par la chevelure de ses branches, il capte les forces astrales du cosmos.

Le chêne est le support végétal d’un symbolisme qui unit le savoir et la force. La robustesse, la noblesse du chêne en font un symbole de majesté. Son bois est employé pour la confection d’objets sacrés. Le chêne celte est l’équivalent du frêne Yggdrasyl des Germains. Le chêne, par sa longévité, a été considéré comme représentant l’éternité.

Les anciens Aryens considéraient probablement le chêne comme réservoir originel du feu. En effet, ils allumaient chaque année le feu du solstice par friction de bois de chêne. Le Gui qui pousse sur le chêne renfermerait « le germe du feu céleste, espèce de foudre dormante ». Il semblerait que, de tous les arbres des forêts d’Europe, le chêne soit celui qui est le plus souvent frappé par la foudre (début XXème siècle).

Maxime de Tyr, dans ses Dissertations VIII, déclare que chez les Celtes le chêne est la « représentation visible de la divinité ».

  1. Rituel magico-médical de la cueillette du Gui

PLINE l’ancien, dans Historia Naturalis XVI, 249, d écrit ce rituel devenu très célèbre :

« On ne doit pas oublier, dans ces sortes de choses, la vénération des Gaulois. Les Druides, car c’est ainsi qu’ils appellent leurs mages, n’ont rien de plus sacré que le Gui et l’arbre qui le porte, supposant toujours que cet arbre est un chêne. A cause de cet arbre seul, ils choisissent des forêts de chênes et n’accompliront aucun rite sans la présence d’une branche de cet arbre, si bien qu’il semble possible que les druides tirent leur nom du grec. Ils pensent en effet que tout ce qui pousse sur cet arbre est envoyé par le ciel, étant un signe du choix de l’arbre par le dieu en personne. Mais il est rare de trouver cela, et quand on le trouve, on le cueille dans une grande cérémonie religieuse,  le sixième jour de la lune, car c’est  par la lune qu’ils règlent leurs mois et leurs années, et aussi leur siècle de trente ans ; et on choisit ce jour, parce que la lune a déjà une force considérable, sans être encore au milieu de sa course. Ils appellent le Gui par un nom qui est : « celui qui guérit tout ». Après avoir préparé le sacrifice sous l’arbre, on amène deux taureaux blancs dont les cornes sont liées pour la première fois. Vêtu d’une robe blanche, le prêtre monte à l’arbre et coupe avec une faucille d’or le Gui qui est recueilli par les autres dans un linge blanc. Ils immolent alors les victimes en priant la divinité qu’elle rende cette offrande propice à ceux pour qui il est offert. Ils croient que le Gui, pris en boisson, donne la fécondité aux animaux stériles et constitue un remède contre tous les poisons. Tel est le comportement  religieux d’un grand nombre de peuples à l’égard de choses insignifiantes ». Manifestement PLINE n’a qu’une vision extérieure, superficielle du rituel druidique, dont il ne saisit pas le sens profond.

Le sacrifice des taureaux fait partie à l’origine du rituel d’intronisation ou d’élection royale, et le Gui employé comme moyen ou adjuvant de la fécondité animale vient se rattacher au symbolisme général de la fonction du roi – ce qui transparaît dans le caractère solennel de la cérémonie.

Le Gui était donc cueilli, par les Druides, le sixième jour de la lune, car dans l’antiquité le sixième jour est sacré. Selon les Chaldéens, puis la Genèse, l’homme fut créé le sixième jour. De plus, au 6ème jour de la lune croissante, une sève déjà puissante parcourt l’arbre. Orphée appelle le nombre 6 « père des pouvoirs célestes et mortels ».

Les Romains cueillaient le Gui le premier jour de la lune. Deux autre périodes de l’année ont été avancées comme favorables à la cueillette du Gui :

  • à la pleine lune de mars, c’est-à-dire à la sixième lune après le solstice d’hiver ;
  • et à la veille de la St-Jean.

Le Gui ne doit pas toucher terre

En effet, cette plante, qui opère l’extraction de la quintessence de l’arbre, verrait s’amenuiser ses effets par le contact impur de la terre. Il en est de même d’autres plantes, tel le polypode du chêne, qui ne doit pas entrer en contact avec la terre.

Selon FRAZER, la simple rareté du Gui sur le chêne n’explique pas à  elle seule le culte que les druides vouaient au Gui. A cette raison s’ajoute le fait qu’ils pensaient que la plante était un présent des dieux, venu du ciel et «  qu’elle était la preuve que l’arbre sur lequel elle poussait avait été choisi par le dieu lui-même ». FRAZER poursuit : « chaque chêne de ce genre non seulement avait été frappé par la foudre, mais possédait parmi ses branches une émanation visible du feu céleste ; de sorte qu’en coupant le Gui selon certains rites, ils se procuraient toutes les propriétés magiques de la foudre ». En Argovie, le Gui est effectivement nommé « balais du tonnerre ».

A propos de l’usage de la faucille d’or en forme de croissant de lune, les avis concordent en général pour affirmer que le fer était un métal trop vil pour couper le Gui. La valeur symbolique de l’or est défendue par tous les auteurs, exception faite de E. COARER-KALONDAN, DE P. GENTY et G. LE SCOUEZEC.

Le premier considère, « tout bonnement » que les latins ont mentionné la cueillette du Gui « parce qu’ils croyaient que la faucille de bronze était une faucille d’or » et qu’ils étaient avides de ce métal précieux.

P. GENTY, quant à lui, suggère que « l’or ne pouvant trancher le Gui, plante très ligneuse, on a proposé de lire non pas aurea « d’or », mais aerea «  d’airain ». Notons cependant que les branches de Gui d’un ou deux ans ne sont pas d’une grande dureté.

Actuellement, en Allemagne, un centre de recherches anthroposophiques cueille le Gui avec un couteau dont la lame est recouverte d’or.

Nous n’avons pas le nom du Gui, PLINE l’ayant malencontreusement traduit en latin. Cependant F. LEROUX et C.J. GUYONVARC’H nous rapportent que les langues néo-celtiques ont conservé la tournure : uile-iceadh, all-heal, dans le dictionnaire irlandais d’O’Reilly, uile-ic mistletoe, all heal, panacea dans celui de Dinneen, uile-ioc en gaëlique d’Ecosse, oil-iach « qui guérit tout » en gallois. Le breton n’a pas gardé le terme, mais il utilise un autre nom du Gui dans la tournure périphrastique deur derhue « eau de chêne » répertoriée dans le dictionnaire vannerais de Châlons au début du XVIIIème siècle et J. LOTH a relevé au Faouët, vers la fin du siècle dernier, la désignation curieuse de ihwelvad (uhelvat) « bien élevé », littéralement « haut-bon » par adaptation populaire du mot courant uhelvan « haute branche ».

 

Les auteurs notent que le remplacement d’un terme spécialisé par une tournure banale est souvent l’indice de la disparition d’un vocable de la langue religieuse préchrétienne. Le rapprochement d’une traduction de PLINE et de vocables attestés en irlandais et en gallois moderne constitue une forte présomption en faveur de l’exactitude des informations de l’auteur latin.

 

LE SYMBOLISME DU GUI

Dans « La druidesse » d’Ed. SCHURE, Velléda, en extase, déclare :

« Comme le Gui sacré croît au chênes solides,

L’âme du vrai héros se suspend à son Dieu

Et, sous l’hiver glacé, boit la sève éternelle,

Jeune rameau vivant de l’âme universelle !… »

En celte, lorsque l’on parle de chemin initiatique, on dit : « monter à l’arbre » monter son arbre des fondements ; c’est devenir un chêne vigoureux sur lequel pourra s’épanouir le Gui : le rameau d’or de la conscience, du « je suis » qui seul reste après la mort à nous même que constituent les épreuves de la vie et la métamorphose des désirs égocentriques.

Avant d’étudier quelque peu la place du Gui dans les rituels funéraires, nous notons qu’une analogie a été établie entre le fruit du Gui et la croix druidique. En effet la baie présente à son sommet l’empreinte laissée par les quatre sépales, et au centre le stigmate :

Par ailleurs, Ed. SCHURE met dans la bouche de Hu-Gadarn ces paroles adressées à la druidesse endormie : « Sur le chêne sacré pousse une plante merveilleuse : le Gui, dont vous ignorez les pouvoirs. Son suc, bouilli dans la chaudière de Korydwen et philtré par les mains pures des vierges, guérit de terribles maladies. Mais le Gui possède une vertu plus grande encore. Sa branche fleurie, donnée par une vierge au héros qu’elle a deviné, lui inspire le courage et le consacre à l’immortalité. Car, de même que le Gui pousse sur le chêne, de même l’âme du héros pousse sur le tronc des Dieux  et se nourrit de la sève du soleil. Porte ce message aux druides, ô vierge, tu seras la druidesse, Derwida (la voyante du chêne), la cueilleuse de Gui, l’éveilleuse des héros !… et la race des Gaulois s’épandra sur le monde… ».

  • Le Gui et la mort

Voici ce qui nous dit Théophile BRIANT concernant le rite funéraire de Viviane la fée :

« Merlin l’avait dit : la piqûre du serpent était sans remède. Viviane venait de mourir. Les fées conduites par Mona-La-Cendrée, la fée des bruyères et des adieux, entouraient le cercueil de l’enchanteresse ». Les arbres de la forêt, silencieux, inclinaient leurs panaches de verdure. A minuit, quand la lune fut au milieu du ciel, Merlin effeuilla une touffe de Gui sur l’eau claire de la fontaine aux druides, aux creux de laquelle le corps de Viviane maintenant reposait.

Dans ses Miniatures Historiques, ERPELDING cite le cas d’un grand Druide frappé par la foudre. Lors de ses funérailles, les druides, portant des manteaux de lin blanc, avaient la chevelure ornée d’une couronne de Gui, qu’ils jetèrent sur le mort, puis ils répandirent sur lui un vert feuillage de chêne.

La touffe de Gui est arrachée à l’arbre, comme la vie de l’âme est enlevée au corps, lors du passage par « la porte unique (de la mort) par laquelle nous sortons des illusions du transitoire pour accéder à la vie éternelle ».

Par ses vertus, le Gui guérissait tous les maux, même celui qui est considéré comme le plus grand : la mort. Non pas en supprimant la mort du corps physique, mais en la dépassant : en permettant à l’homme de faire l’expérience de son immortalité. Le Gui est un « viatique de lumière qui permettra d’aller jusqu’au seuil d’une éclosion nouvelle ».

La doctrine druidique est fondamentalement réincarnationiste. Les états de vie et de mort ne sont que l’alternance de la manifestation ou de l’état de latence. La mort donnerait alors une transition, un passage entre une forme de vie et une autre ; et le « breuvage mystique » de Gui possédait la vertu de conférer la certitude d’une vie éternelle. Nous comprenons que les Celtes fissent si peu de cas de leur propre vie.

  • Symbolismes astrologique et alchimique

Porta, Agrippa, Crollins et Eckartshausen font gouverner le Gui de chêne par le signe zodiacal du Taureau (Mars) ; ils lui attribuent une nature froide et sèche (selon la classification des alchimistes).

Au point de vue planétaire, le Gui, de par la plasticité de sa glu, est soumis à Vénus ; il est lunaire par la couleur blanche de ses baies et  par la faculté de condenser les forces vives de son arbre-hôte. Enfin on peut « en extraire une quintessence solaire fort propre à tonifier l’organisme, pour peu que l’on sache dorer ce que les alchimistes appellent la lune droite ».

Saint-Yves d’ALVEYDRE écrit que « c’est de la période d’Hanouman, premier disciple de Ram, que date l’emploi général du Gui sacré… dont l’efficacité contre certaines épidémies épouvantables dépend de l’heure astronomique précise où on le cueille et le prépare ».

  • Symbole d’union

P. DAVIDSON (1892) dit, en préface à son ouvrage sur le Gui, qu’une druidesse d’Ecosse lui enseigna les secrets des plantes, notamment du Gui.

Le Gui est symbole d’union dans son sens le plus élevé, le plus spirituel, de communion, d’unité. La touffe de Gui forme un tout, une unité ronde. Il existe des touffes de Gui portant sur le même suçoir des branches mâles et femelles. (Notons que sur le plan physique, la glu est une substance qui, elle aussi, unit). De plus, le Gui est une plante qui apporte la fécondité.

  •  Symbole de vie 

  Chez les Celtes, le Gui était l’emblème de tout « ce qui est », et il embrassait la vie dans toutes ses manifestations : dans l’universalité de l’Existence, dans l’Humanité entière, enfin dans l’Individu, le Gui représente l’existence certaine, l’éternelle vérité.

« Comme symbole de la vie manifestée dans l’universalité des êtres, le Gui était la vivante image de la force qui anime et gouverne le monde, et, au moyen de cette plante, l’homme communiquait avec Dieu ».

« Une potion mystique » était composée avec le Gui, elle déterminait un état psychique particulier, effaçait temporairement les impuretés de l’âme et la mettait en rapport avec l’esprit ». La potion mystique de Gui symbolise un chemin de purification qui aboutit à l’union de l’âme et de l’esprit et à la communion avec Celui qui fut, qui est et qui sera.

PLINE rapporte que le Gui était regardé comme un « présent des cieux » et les Druides comme les médiateurs de l’Etre suprême. La cueillette du Gui s’accompagnait d’un sacrifice et d’un banquet qui, avec le breuvage mystique, sont la préfiguration de l’Eucharistie essénienne. Le breuvage sacré des druides est à rapprocher de l’ambroisie grecque, du Kykéon des Initiés d’Eleusis, du Soma des Indous.  Ils faisaient de l’initié un homme re – né, un homme nouveau, transformé, doué de clairvoyance, d’inspiration.

  • La légende de Ram

P. DAVIDSON, dans « Le Gui et sa philosophie », parle d’une époque très reculée où des prophétesses dévoilaient l’avenir. Chaque tribu avait sa grande sibylle, telle La Voluspa scandinave avec son collège de druidesses. Par la suite, ces femmes se laissèrent aller à l’ambition, à la cruauté ; elles devinrent sorcières et magiciennes. Le sang des sacrifices coula à flot.

Le jeune druide Ram était révolté  à la vue de ce culte sanguinaire. Il discernait à merveille les vertus des plantes et n’était pas moins avancé dans l’étude des étoiles et de leurs influences. Tout cela lui conférait une autorité, même sur les druides plus âgés. Le peuple le nommait « l’inspirateur de la Paix ». Toujours selon le récit, il voyagea vers le sud et l’est. Une partie de la science secrète de ces courants de mystères de l’Est et du Sud lui furent confiés. Retourné dans le Nord, Ram constata que la fureur des sacrifices humains continuait à sévir. Pour enrayer la ruine de sa race, il avait à combattre l’orgueil des druidesses, l’ambition des druides et la superstition du peuple…

Une maladie pestilentielle se développait et « détruisait l’espérance même de la population en attaquant  la génération dans ses principes ». En peu de temps, ce fléau se répandit. « L’haleine des vivants et l’odeur des morts la propageait »… Ram examina cette maladie, il en connut le principe ; mais ce fut en vain qu’il en chercha le remède. Pendant son sommeil au pied d’un chêne lui apparut un druide portant une baguette autour de laquelle s’entrelaçait un serpent : « Le remède que tu cherches, le voilà ». Ram prépara le médicament, qu’il donna aux agonisants, ceux-ci guérirent : Le Gui fut dès lors considéré comme sacré.

Que faut-il penser de ce récit d’origine récente et qui, selon l’auteur, lui aurait été révélé par une druidesse rencontrée « parmi les bruyères de la vieille Albion, au milieu de la sauvage tranquillité des Highlands… » .

  1. LE RAMEAU D’OR

Dans l’Enéide de Virgile (Livre VI, la descente d’Enée aux Enfers), on trouve une description de la branche de Gui : « le Rameau d’or ». « Le pieux Enée » gagne les contreforts où règne la haute statue d’Apollon et la retraite écartée de la Sybille de Cumes.

Il l’écoute interroger les dieux du destin et annoncer ses « horribles ambiguïtés, puis commence : « Il n’est point d’épreuve, ô Vierge, qui dresse devant moi une face nouvelle ou inattendue… Je ne te demande qu’une chose : puisque c’est ici, dit-on, la porte du roi des Enfers et le ténébreux marais où reflue l’Achéron, qu’on m’accorde le bonheur d’aller voir et d’entretenir mon père chéri ; veuille me montrer la route et m’ouvrir les portes sacrées…

C’est ainsi qu’il priait, tenant l’autel, et la prêtresse alors lui répondit en ces termes : « Fils du sang des dieux, ô Troyen Anchisiade, la descente de l’Averne est facile : nuit et jour est ouverte la porte du sombre Dis. Mais revenir sur ses pas et sortir vers les brises d’en haut, c’est là la difficulté et l’épreuve… Si tu as un si grand désir, une si grande avidité de traverser deux fois les eaux de Styx et de voir deux fois le noir Tartare, et qu’il te plaise de tenter cette folle entreprise, apprends d’abord ce que tu as à faire. Il y a, caché dans un arbre opaque, un rameau dont les feuilles et la tige flexible sont d’or, consacré à la Junon infernale ; tout un bosquet sacré le protège et les ombres d’un obscur vallon l’emprisonnent. Mais il n’est point donné de pénétrer dans les profondeurs de la terre avant d’avoir détaché ce rameau à la chevelure d’or de l’arbre qui l’a produit : c’est le présent dont la belle Proserpine veut qu’on lui fasse hommage. Ce premier rameau arraché, il en pousse un autre également d’or, et dont la tige se couvre de feuilles du métal. Cherche-le donc des yeux au fond des bois et, quand tu l’auras découvert, cueille-le, selon le rite, avec la main : car il viendra de lui-même, volontiers et facilement, si les destins t’appellent… »

Enée, le visage affligé, quitte l’antre de la Sybille pour accomplir ses injonctions.

Voici les pensées qu’il roule, à la vue de la forêt immense, et la prière qu’il fait :

« Oh ! Si le rameau d’or sur son arbre se montrait à nous dans ces grands bois !… »

A peine avait-il parlé que deux colombes, justement, descendirent en volant du ciel sous les yeux même du guerrier…  Alors le grand héros reconnaît les oiseaux de sa mère et leur adresse avec joie cette prière : « Oh ! Soyez mes guides et, parmi les airs, dirigez ma course, si quelque route y mène, vers le bois sacré où un précieux rameau ombrage la terre grasse… ». Enée suivit les colombes  qui le menèrent aux gorges de l’Arverne. « Elles… se posent toutes deux à l’endroit souhaité au haut d’un arbre, d’où l’éclat de l’or, tranchant sur les rameaux, resplendit à sa vue. De même qu’on voit dans les bois, au froid solstice, verdir avec ces nouvelles feuilles, le Gui qui pousse sur un arbre étranger, et dont les fruits safranés s’enroulent autour des troncs arrondis, tel était sur une yeuse opaque l’aspect de la frondaison d’or, ainsi crépitaient au vent léger ses feuilles brillantes. Enée la saisit sur le champ, l’arrache avidement malgré sa résistance, et la porte à la demeure de la prophétesse Sibylle ».  Celle-ci l’accompagnera jusqu’à l’entrée de l’Hadès. Charon, le passeur du séjour des Ombres, du Sommet et de la nuit assoupissante, leur adresse fermement la parole : « il m’est défendu de passer des vivants dans la carène du Styx ».

La prêtresse de Cumes lui répondit : « … Le Troyen Enée, remarquable par sa piété et par ses exploits, descend voir son père aux ombres profondes de l’Erèbe. Si l’exemple d’une telle piété ne te touche pas, veuille du moins reconnaître ce rameau ; et elle découvre le rameau qui était caché sous sa robe. Le cœur de Charon, gonflé de colère, s’apaise alors. Elle n’en dit pas davantage : lui, admirant le vénérable don de la branche fatale, qu’il n’a pas vu depuis longtemps, tourne vers eux sa barque sombre et s’approche de la rive… et reçois dans sa coque l’énorme Enée ». Ainsi va-t’il rejoindre son divin père Anchise et pourra-t’il s’entretenir avec  lui du monde des âmes après la mort.

« Tu es venu enfin, et ta piété, tant attendue de ton père, a triomphé d’un dur voyage ! ».

Anchise embrase le cœur de son fils de la « gloire future », il lui parle de l’avenir et lui indique « comment il peut éviter ou supporter chaque épreuve ».

Ce livre VI de l’Enéide mérite quelques commentaires. La légende italique, un peu obscure, du rameau d’or ne se trouve pas ailleurs que chez Virgile. Elle se rattache cependant à des légendes celtiques comme le rite du Gui ou celui de la Fougère qui, le soir de la Saint-Jean, porte une fleur d’or. Elle a intrigué les Anciens (SERVIUS) et les modernes, tels E. NORDEN et J.G. FRAZER, qui intitula son énorme ouvrage sur les mythes, les coutumes et la magie : « Le Rameau d’or ».

J.G. FRAZER écrit au XIXème siècle : « il est certain et admis par tout le monde que Virgile compare le Rameau d’Or au Gui ». James SOWERBY (1805) : Le Gui est célèbre… comme le Rameau d’or de Virgile, qui servit de passeport à Enée lors de son voyage aux Enfers ». Pour l’auteur du Lexicon Mythologicon, cité par FRAZER, le rameau d’or n’était autre de le Gui glorifié par licence poétique ».

SERVIUS, commentateur de Virgile, mentionne l’opinion, couramment admise à son époque, que le Rameau d’or était la branche qu’un candidat à la prêtrise de Diane, déesse des forêts, devait cueillir dans le bois sacré de Némi.

Au point de vue botanique, il est connu que le Loranthus europaeus ou Gui d’Europe, proche du Viscum album, pousse plus facilement sur les chênes verts ou Yeuses du bassin méditerranéen (Italie, Yougoslavie). Son fruit est jaune et ses feuilles caduques. Un des caractères du Gui est, comme le souligne la sibylle, de pouvoir pousser une nouvelle tige à partir des suçoirs restés sous l’écorce de l’arbre.

Peu après le solstice d’hiver, le Gui blanc forme de nouvelles feuilles. Après la chute des feuilles de l’arbre-hôte, la touffe de Gui est plus directement exposée aux rayons du soleil : aussi, entre décembre et mars, sa couleur est fréquemment jaune « imitant, comme le dit SERVIUS, la couleur de l’or ».

Nous avons laissé sécher plusieurs touffes de Gui, à l’ombre et au sec ; elles prirent une belle teinte jaune d’or jusque dans leurs tiges. Ce phénomène facilement observable a-t-il contribué à ce que le Gui fût appelé Rameau d’or ?

Il y a quelques années encore, les Bretons suspendaient des touffes de Gui blanc à leur « penty » et les y laissaient jusqu’à ce que le temps eût changé la teinte des baies, feuilles et branches en un jaune doré et converti ainsi la branche de Gui en un véritable rameau d’or.

Les deux espèces de Gui (Viscum album et Loranthus europeus) étaient connues des anciens Grecs et des Romains. Théophraste – comme plus tard PLINE – distingue trois sortes de Gui : ixia, hyphear et stelis. Il dit que l’hyphéar et le stelis poussent sur les pins et les sapins, et que l’ixia croît,  sur le chêne, le térébinthe, etc… ; l’ixia et l’hyphéar poussent sur l’yeuse, le même chêne-vert portant quelquefois les deux espèces, l’ixia au nord et l’hyphéar au sud. Il insiste sur la différence entre l’ixia à feuillage persistant et l’ixia à feuillage caduc. FRAZER tend à prouver que THEOPHRASTE englobait sous le nom d’ixia le Viscum album et le Loranthus europaeus.

Il est clairement établi à notre époque que le chêne-vert porte fréquemment du Loranthus europaeus et que sur celui-ci peut croître, mais rarement, le Viscum album.

Comme la description de VIRGILE combine des caractères appartenant à l’un ou l’autre des Guis, ne peut-on voir dans l’association du Loranthus europaeus et du Viscum album ce qui se rapproche le plus du rameau d’or ?

Comme tout écrit mythologique, ce récit de la découverte du rameau d’or par Enée se prête à divers niveaux d’interprétation. VIRGILE, ce « prophète de Rome, inspiré d’un souffle vraiment divin » comme le qualifie P. CLAUDEL, décrit la piété, la confiance et le courage d’Enée, sa profonde aspiration à retrouver son père, les colombes, le passage du monde des vivants à l’Autre Monde, le caractère divin d’Anchise…

VIRGILE fait emporter par Enée un rameau de Gui enchanté, lors de sa descente dans les profondeurs secrètes du monde souterrain. Pour J.C. FRAZER, « si l’on croyait que le Gui, sous la forme d’un rameau jauni et desséché, contenait la semence du feu, quel meilleur compagnon un voyageur égaré parmi les ombres de l’enfer pouvait-il emporter avec lui qu’un rameau qui lui servait à la fois de lampe pour éclairer ses pas et de bâton dans ses mains ? Ainsi armé, il pouvait hardiment affronter les spectres affreux qu’il rencontrerait dans  son voyage aventureux ».

Au XIIème siècle, Jean de SALISBURY, partant du nom même d’Enée, Ennaïos, « l’habitant » fait du « pieux héros le symbole de l’âme qui habite le corps » (M. RAT). Cette âme noble revêtue de piété, de confiance et de courage aspire profondément à retrouver son père, c’est-à-dire son origine, sa source, son créateur – le « divin Anchise ».

Au passage du monde sensible au monde supra-sensible, du monde profane au monde divin, du domaine de l’extériorité à celui de la vie intérieure,  du monde du psychisme à celui de l’esprit, se tient le terrible Charon : le gardien du seuil. Enée se doit de posséder le rameau d’or, le Gui sacré pour franchir le seuil.

Dans sa quête, il accorde sa confiance,  se laisse guider par les colombes, évocation de la pureté, de la paix et de l’Esprit, qui le guidera vers ce rai de lumière, symbole de sa filiation divine retrouvée.

Seule celle-ci permet de descendre dans les profondeurs ténébreuses de notre inconscient, sans risque de nous perdre. La tradition orientale dit qu’il ne faut pas réveiller le serpent endormi de la Kundalini sans une préparation préalable.

De puissantes forces sommeillent en l’homme, leur éveil prématuré fait encourir un déséquilibre de la personnalité et des perturbations même physiques.

Ne peut-on voir là une mise en garde pour l’apprenti sorcier qui n’envisage pas les conséquences lointaines de ses découvertes, des « secrets » de la nature (Einstein n’a-t-il pas dit : « Si j’avais su, je serais devenu plombier »?) ou pour la recherche d’expériences d’autre monde par des moyens artificiels, comme les drogues ?

Avec quel respect, quel tact ne doit-on pas tenter cette « descente aux enfers »  que constitue, peut-être, une psychanalyse ?

Le rameau d’or est la clef qui  permet l’entrée et surtout la remontée du gouffre infernal.

Le Gui, dont le métabolisme est très lié à la lumière, symbolise la clef qui ouvre « les portes sacrées » vers la source de la vie.

L’homme qui possède le rameau d’or, cette chaleureuse lumière du cœur, pourra par une transformation, un retournement, une alchimie intérieure, se métamorphoser et faite l’économie de certaines maladies.

Sur le chemin spirituel, le rameau d’or est une image de l’inhabitation de l’Esprit Saint qui permet au mystique de ne pas se perdre dans la « profonde nuit » qui précède la naissance de l’homme transfiguré en Christ, tel le « Poverello » d’Assise qui chantera : « Loué sois-tu pour toute créature ! » ou Saint Jean de la Croix s’exclamant : « Mien le soleil, miennes les étoiles, mienne la Mère de Dieu, miennes toutes les créatures ! Que demandes-tu et que recherches-tu encore, ô mon âme ! Tout est à toi et tout est pour toi ».

En définitive, cette descente d’Enée aux « Enfers » est tout autant une remontée au « ciel » !

  1. FOLKLORE – COUTUMES ET CROYANCES POPULAIRES

Le Gui inspirait du respect aux gens de la campagne, qui lui attribuaient des propriétés médicinales ainsi que des vertus occultes, comme celle d’entraîner la mort de celui qui arrache le Gui du chêne. Est-ce une des raisons qui explique que les arrêtés préfectoraux prescrivant la destruction de Gui soient bien souvent restés lettre morte ?

  • Réjouissances de Noël et du jour de l’An

-Selon E. LEFRANC, le vieil usage de courir les rues le jour de l’an, au cri de « Au Gui l’An neuf » se rattacherait au culte celtique.

-En Gascogne, peu de jours avant Noël, des jeunes gens se présentent durant la nuit devant chaque maison en chantant « Aguillanné ». Ces réjouissances ont lieu également en Provence. Pour H. MARTIN, ce cri s’était conservé, avec le même sens, dans des parties de la France où la langue celtique a disparu depuis des siècles.

-Dans le centre de la France (Blois), les enfants nommaient les jours de fête « aguilanlé » et ils quêtaient menues monnaies, sur une pomme fichée au bout d’une baguette enrubannée.

  • En Bretagne

Trois semaines avant Noël, les paysans se mettaient des griffes aux chaussures afin de grimper aux arbres et de cueillir le Gui. Au début du siècle, Saint-Malo et Grandville étaient deux grands ports pour l’exportation vers la Grande-Bretagne : jusqu’à 400 tonnes. La demande n’était pas toujours couverte.

La coutume de mettre du Gui au seuil de la maison ou dans les pièces s’étend de la Grande-Bretagne à toute l’Europe.

De nos jours, la signification en est bien souvent perdue.

Paul SEBILLOT raconte que « les aubergistes ont coutume de placer une touffe de Gui au-dessus de leur porte, en manière d’enseigne, pour inviter les passants, peut-être attirés par un atavisme lointain, à entrer se livrer à des libations d’un caractère aujourd’hui très profane ».

A Noël, Hersart de la VILLEMARQUE, dans le « Barzaz Breiz », relate une coutume qui est valable dans le Finistère, pendant la première moitié du XIXème siècle. Elle concerne une classe professionnelle, celle des mendiants, qui était reconnue comme telle en Bretagne selon Arnold Von GENNEP. « On donne le nom d’ étrenneurs » – éguinen ien – à de pauvres gens qui se réunissent toutes les nuits par troupes à l’époque de Noël en plusieurs cantons de montagne et ailleurs et vont quêter de village en village en chantant une vieille chanson dialoguée dont le refrain est Eghiané, éghiané ; en dialecte vannetais : aghinanen ».

LE ROUZIC, en 1912, dit qu’à Carnac, la veille de Noël, les jeunes s’assemblaient par groupes de trois à quatre et allaient chanter aux portes des habitations des cantiques de circonstance, probablement afin d’obtenir leurs étrennes. Ce but est tout à fait affirmé pour Ploërmel, où les dons reçus se nommaient au gui-gauraux.

Dans les Côtes-du-Nord, avant 1880, à Matignon et à Plaubalay, la veille de Noël, les garçons se réunissaient et, portant sur l’épaule de grands bâtons, allaient frapper à la porte des métairies : « Qui est là ? Demandait-on – le hoguilhanneu ! » répondaient-ils. Ils chantaient et, pour les remercier, on leur donnait un morceau de lard qu’ils enfilaient dans le bâton pointu de l’un d’eux.

Pour l’Ille-et-Vilaine, Von GENNEP cite Ogée : « A Montauban de Bretagne les enfants pauvres allaient, comme dans beaucoup de localités bretonnes, se présenter à la porte des personnes aisées en criant : « Au guyané, au guy l’an-neuf ». Ils font ensuite l’aumône de quelques nourritures.

Dans le pays de Léon (Finistère), au cours de la première moitié du XVIIIème siècle, « on se servait du terme Eghinat pour demander des étrennes. Les jeunes garçons de la campagne allaient le dernier jour de l’an, par les bourgs et les villages, où, après avoir chanté quelques cantiques en l’honneur du Sauveur né de la Vierge, ils criaient par trois fois : « Ma Eghinat ». A Morlaix, la bourgeoisie criait à tue-tête « Eghin an ett », que le blé germe !

Parfois la coutume fut christianisée et les dons destinés à l’église. A Morlaix et Landernau, la quête s’y faisait au profit des pauvres et des malades de l’hôpital. L’un des pauvres de l’hôpital, habillé en massier, criait « Languinanné ».

D’après Emile SOUVESTRE, dans « Les Derniers Bretons », Eguinané viendrait de Eghin-an-eit, qui signifie « le blé germe ». Les Druides Paul  BOUCHET (Bod-coat) et E/ COARER-KALONDAN ont abondé dans son sens.

Au moment où le Gui est en pleine fructification au-dessus de la terre, sous l’humus le blé commence à germer. Nous voyons la polarité complémentaire entre une plante lunaire, le Gui, et une plante particulièrement solaire, le blé.

  • Symbole de fécondité

Au troisième millénaire avant le Christ, vivait dans la presqu’île du Jutland la tribu des Ingavous dont parle Tacite. Rudolf STEINER rapporte que, dans ce peuple, la procréation était réglée de telle sorte que la fécondation ne pouvait avoir lieu qu’au moment des mystères printaniers du dieu Nerthus, à la première pleine lune suivant le début du printemps. Les enfants naissaient donc pendant les douze Nuits Saintes qui vont de Noël  à l’Epiphanie (Théophanie). Tous les trois ans, le premier-né de la nuit que nous appelons nuit de Noël était mis à l’écart par les prêtres des mystères de cette époque et était appelé à devenir un initié, le héros solaire qui régnait sur la tribu pendant trois ans. Puis il était remplacé par un nouveau roi, et accédait à un niveau plus élevé au travers d’une mort initiatique.

Le Gui blanc, lui, forme ses fruits en mars, au printemps et ceux-ci ne seront mûrs qu’en décembre, à l’époque de Noël. Ainsi le cycle de fructification du Gui était comme superposé à celui des naissances lunaires.

La sensibilité des druides était encore assez développée pour saisir ces mystères de Nerrhus et explique la vénération qu’ils avaient pour le Gui, plante de fécondité.

Suspendre le Gui dans sa maison à Noël, c’était se souvenir de cette époque où la fécondité était réglée selon le cycle annuel et se mettre en harmonie avec le dieu de la fécondité. Il est à noter que,  chez bon nombre d’animaux, les périodes de fécondité sont réglées par les saisons.

La coutume du Gui de Noël est ainsi une très ancienne réminiscence des mystères qui préparèrent l’humanité à la fête de la naissance de l’enfant Jésus.

  • Voici quelques coutumes et croyances attribuant au Gui un rôle dans la fécondité.

Selon PLINE, le Gui des chênes, cueilli selon le rituel, favorisait la conception chez les femmes qui le portaient. Les druides croyaient qu’une potion tirée du Gui rendait fécond le  bétail stérile.

Les Aïnos du Japon, dans la première moitié du XXème siècle, tiennent le Gui en grande vénération et le regardent comme un remède souverain dans presque toutes les maladies ; ils le prennent quelquefois avec leurs aliments, d’autre fois en décoction. Les feuilles sont utilisées de préférence aux baies. Ils attribuent aussi à cette plante le pouvoir de rendre les jardins fertiles. Pour cet usage, les feuilles de Gui sont coupées en menus morceaux et, après avoir prononcé des prières, on les sème avec le millet ou d’autres graines ; et on en mange aussi un peu avec les aliments. On a également vu des femmes stériles manger le Gui pour devenir fécondes. Le Gui de saule, arbre sacré, passe pour être plus efficace.

Les indigènes de Mabuig, île du détroit de Torrès, croient également au propriétés fécondantes du Gui sur les femmes ; des jumeaux peuvent être enfantés par la femme enceinte qui touche ou brise un rameau d’une Loranthacée (Viscum sp – probablement variété orientale qui pousse sur le Mader).

  • Symbole de la clef qui ouvre toutes les serrures

Au Tyrol, le Gui ouvre, dit-on, toutes les serrures, mais uniquement dans « certaines conditions » que j’ignore.

Dans son ouvrage « De Virtutibus Herbarum » ALBERT LE GRAND, Maître de Thomas d’Aquin, attribue au Gui de chêne la propriété d’ouvrir toutes les serrures.

Le Gui est la fleur qui ouvre tout (P. LEBLANC).

Pourquoi le Gui ouvre-t-il toutes les serrures ?

Il recèle quelque part en lui les Anciens Mystères de l’époque atlantéenne et les véhicules jusqu’à nous.

Il fait le lien entre le globe « Ancienne Lune » et notre terre. Il est la clef de notre filiation divine retrouvée. Il est d’or et d’argent ; de soleil et de lune.

  • Le Gui de la Saint Jean

Une des dates favorites de cueillette du Gui semble être la veille et le jour de la Saint Jean. Mais nous ignorons s’il s’agit de la Saint Jean Baptiste ou de la Saint Jean le Théologien. Sans doute ces deux dates sont-elles favorables. En Suède, la règle est qu’il faut cueillir le Gui « la nuit qui précède la Saint Jean, quand le soleil et la lune sont dans la position de leur puissance ». Ainsi, un des principaux évènements du Mythe de Baldour se trouve reproduit, dans sa patrie, à la fête de la Saint Jean.

  • Symbole de protection, de purification et de guérison

– Protection contre les malices des Esprits de la Nature. Autrefois des branches de Gui    étaient placées dans les berceaux pour empêcher que les fées ne transforment le nouveau-né en petit lutin.

De même, le Gui rendait le gnome impuissant à faire du mal à l’homme et aux animaux s’il était cueilli à la Saint Jean.

–  Protection contre le feu : en Italie comme en Suède, l’opinion que le Gui éteint le feu était également partagée.

-Protection contre la sorcellerie et la magie : En Autriche, selon FRAZER, des touffes de Gui étaient  placées sur le seuil des maisons pour les protéger contre les sorciers et les mauvais mages.

En 1663, le Docteur Joachim BECHER de Spier sur le Rhin écrit que l’on porte le Gui au cou contre les mauvais esprits ; quelques personnes l’enchâssent même dans de l’argent.

Tout homme qui passe sous le Gui serait absous de ses péchés.

En Bretagne, surtout dans le Morbihan, des branches de Gui suspendues au-dessus des portes des écuries et des étables protègent les animaux contre la sorcellerie.

Dans le nord de l’Angleterre, pour éloigner les mauvais sorts sur les bêtes et avoir une bonne production de lait, on dit qu’il faut donner un bouquet de Gui à la première vache qui vèle après le jour de l’an.

Le Gui peut aussi protéger toute une famille,  comme s’il renfermait la vie de cette famille. Ainsi en est-il des Hays d’Errol en Ecosse dont le sort était lié au Gui poussant sur un gros chêne. L’emblème des Hays était le Gui. On affirmait que, quand la racine du chêne aurait péri, « l’herbe pousserait au foyer d’Errol, et un corbeau noir prendrait place dans le nid du faucon ». Briser une branche de ce Gui, c’était mettre à mort un des Hays. Le domaine a été vendu et les gens dirent que le chêne sacré avait été abattu peu de temps auparavant.

  • -Protection contre les maladies – guérison

Une touffe de Gui suspendue au-dessus du lit éviterait les cauchemars. L’eau lustrale que préparaient les druides avec le Gui était regardée comme un remède souverain contre les maléfices et toutes sortes de maux. Cet usage « druidique » se perpétua sous diverses formes dans bon nombre de régions de France. Plusieurs textes des conciles et synodes attestent qu’au XVème et XVIème siècle, on se livrait encore dans les campagnes à des fêtes qui rappellent la cérémonie du Gui sacré.

Il était considéré comme l’antidote des poisons, guérissait l’épilepsie ou haut-mal, car justement il ne touchait pas la terre. A cette fin, le Gui de chêne était appendu au cou du malade.

En Suède, un anneau en bois de Gui était porté pour éviter les souffrances. Placé à l’entrée des étables, il éloignait le feu et la maladie.

Dans les Ardennes, une ancienne ordonnance relate l’usage du Gui par un médecin de village qui le considérait comme un grand remède de la jaunisse et de l’épilepsie.

« Le Gui est coupé fin, on y ajoute du Berberis dont l’écorce la plus extérieure doit être jetée. Le mélange est à mettre dans un litre de vin. Quelques jours plus tard, la potion est prête. Quelques cuillères à café par jour ».

Il semblerait que les arbres porteurs de Gui résistent mieux aux maladies des végétaux. Il secrète une substance aromatique qui passe dans l’arbre-hôte et donne une plus grande valeur aux fruits, aux pommes notamment.

Au contraire, en quelques régions, on n’osait pas manger le fruit des arbres « guités » de peur d’être empoisonné. Le Gui est alors appelé « balais de sorcières », « rameaux des spectres ».

J.G. FRAZER écrit que « jusqu’à la seconde moitié du XVIIIème siècle, dans les contes écossais d’Elgin et de Maray, à la pleine lune de mars, on coupait des rameaux de Gui ou de lierre, on les courbait en forme de cerceaux et on les conservait toute l’année pour guérir la phtisie et quelque autre maladie. Dans le canton suisse d’Argovie, on estime que toutes les plantes parasites sont, en un certain sens, sacrées, mais, plus que tout autre, le Gui qui pousse sur un chêne. Ce Gui est un remède à toutes les maladies des enfants, à condition qu’on se le procure quand le soleil est dans le Sagittaire, et la lune à son déclin ; les premier, troisième et quatrièmes jours avant la nouvelle lune, il faut l’abattre avec une flèche et l’attraper avec la main gauche quand il tombe ».

En Suède ainsi qu’au Pays de Galles, jusqu’à la moitié du XIXème siècle, on croyait que, pour que le Gui ait quelque vertu médicinale, il fallait le faire tomber, à coups de flèches ou de pierre, de l’arbre sur lequel il poussait.

Nous avons exposé bien d’autres usages populaires du Gui comme médecine dans le chapitre sur la thérapeutique.

  •  Symbole de l’union

Le fait que le Gui croisse en touffe arrondie autour d’un centre en a fait le symbole de l’unité, du centre dont tout procède et où tout doit retourner.

La touffe de Gui a été appelée « le bouquet du baiser ». Encore récemment, en Bretagne, on faisait passer les fiancés sous un touffet de Gui.

L’harmonieuse vie semi-parasitaire du Gui sur son arbre-hôte pouvait apparaître comme un symbole de la vie de couple.

La jeune fille rencontrée sous le Gui peut  être embrassée sans permission, alors que celle qui ne reçoit aucun baiser sous le Gui ne se mariera pas dans l’année.

« Il procure… aux jeunes filles un époux juste et généreux » (Zoroastre). P. DAVIDSON écrit qu’au mariage le nouveau couple celte « buvait le breuvage mystique préparé avec le Gui symbolisant l’union terrestre, mais aussi celle de l’âme et de l’esprit dans la vie céleste ».

  • Symbole de chance

Le paysan gallois aimait à dire : « pas de Gui, pas de chance », et s’il y en avait en abondance, on comptait sur une belle récolte de blé.

En France et en Grande-Bretagne, il était porté en amulette comme porte-bonheur.

Les conscrits des environs de Rennes regardaient le Gui comme un talisman pour tirer un bon numéro. « Dans ce but, il fallait, il y a une soixantaine d’années, aller cueillir du « Gui d’épine blanche », puis s’agenouiller au pied de trois croix en déposant, à chaque station, une petite branche de Gui. On faisait dire ensuite trois messes, mais, pour qu’elles fussent efficaces, il fallait avoir dans sa poche un peu de Gui et un morceau de fer trouvé sans le chercher.

Les chasseurs de la province allemande d’Holstein et du canton suisse d’Aorgaer arboraient fréquemment une branche de Gui à leur chapeau : signe de chance et de courage.

Epandu sur les terres cultivées, il donnait l’espoir d’une récolte miraculeuse.

Dans l’arrondissement d’Abbeville, le Gui est appelé « bec d’annette », à cause de ses feuilles qui ressemblent au bec de canard. Sous la racine de l’arbre qui le porte vit une petite bête, avec laquelle on est sûr de ne pas manquer d’argent tant qu’on peut la porter sur soi.

FRAZER écrit : « la couleur jaune du rameau fané du Gui peut expliquer pourquoi le Gui a parfois passé pour posséder la propriété de découvrir des trésors souterrains » ; d’après les principes de la magie analogique, il existerait une affinité naturelle entre un rameau jaune et l’or. Au Tyrol, on dit que, si du Gui pousse sur un coudrier, il doit y avoir un trésor sous l’arbre. La même croyance est attestée en Prusse Orientale pour le Gui poussant sur une épine blanche.

  • Utilisation pour la divination

-dans les Niebelungen, le Gui sert comme baguette divinatoire pour les sourciers.

-Il existait en France une croyance populaire qui veut que « l’on puisse trouver la mandragore ou « main de gloire »… en creusant la terre à la base d’un chêne porteur de Gui ».

-Les bruits, les craquements que produisaient les baies de Gui jetées au feu  étaient interprétés pour connaître le destin.

  • Maîtrise des éléments

Dans le canton de Clerf, le Gui de poirier est nécessaire pour commander au temps. Maître Reister pense même que la rareté de ce Gui est liée à son efficacité.

  • Invulnérabilité du Gui

Une ancienne croyance italienne affirme que ni l’eau ni le fer ne peuvent détruire le Gui.

  1. RAPPORTS DU GUI ET DES ESPRITS DE LA NATURE

La tradition druidique, puis la science spirituelle anthroposophique ont porté un profond intérêt à l’existence d’êtres ordinairement non visibles pour l’être humain, mais qui sont à l’œuvre dans toute la nature.

La tradition populaire en parle dans les contes : ce sont les fées, les Korrigans… Les gnomes ou élémentaux de la terre, du minéral, contribuent à la pousse des racines ; les ondines vivent dans l’élément eau, Les cascades favorisent la croissance de la plante feuillée, végétative ; les esprits de l’air ou sylphes  s’activent au niveau de la fleur, des pétales, des vents, de la faculté d’assimiler la lumière par les feuilles. Enfin les salamandres ou esprits du feu œuvrent à la formation du pollen, du nectar, du fruit.

Quelles sont les relations que le Gui blanc entretient avec ces êtres élémentaires ?

  • L’absence de racines terrestres, l’impossibilité qu’à le Gui de s’implanter à même le sol indique qu’il évite, repousse les gnomes. Une tradition dit que le Gui rendrait le gnome impuissant à faire du mal à l’homme et à l’animal.
  • Par contre, son bois toujours jeune, son attirance pour l’eau, ses pseudo-baies riches en mucilage montrent son attirance pour les ondines. Le Quercus palustris d’Amérique est plus hospitalier pour le Gui que le chêne rouvre, car les esprits de l’eau y atténuent l’influence des gnomes.
  • La couleur verte de toute la plante, liée à la chlorophylle manifeste l’intense activité des sylphes.
  • Enfin les esprits du feu sont maintenus éloignés du Gui par le fort courant de sève venant de l’arbre.

L’oiseau disséminateur du Gui est l’ami du sylphe (élément air) et lui permet de rencontrer les ondines.

 

  1. LE GUI ET L’EVOLUTION DE LA TERRE

Le Gui n’est pas vraiment une plante adaptée à la vie de la terre. Il ne peut s’implanter sur la terre même. Il ne suit pas le phototropisme ou le géotropisme comme les autres végétaux, mais il forme des touffes arrondies et se crée presque un espace intérieur qu’il pénètre de vie, ce qui est le propre de l’animal. Les branches, fussent-elles âgées de 20 ans, sont toujours vertes, ce qui le différencie des autres plantes.

Sa graine est si particulière qu’on l’appelle embryon, comme pour les règnes animal et humain. L’embryon reste toujours vivant dans son enveloppe de mucosité, Il traverse l’intestin de l’oiseau au lieu de reposer, comme les autres graines de plantes, un certain temps dans la terre.                                        A aucun moment de son cycle, il n’a de contact avec la terre.

Nous trouvons chez le Gui, sous forme de tendance, ce qui chez l’animal sera totalement développé : l’expérience de l’espace intérieur.

Son rapport avec le temps le distingue également des autres plantes qui sont toujours en devenir. La plante n’est jamais tout entière présente et dépendante du déroulement des saisons. Ce qui caractérise l’animal, c’est qu’il acquiert une certaine indépendance temporelle : il se crée un temps intérieur réglé par ses bio-rythmes propres. Par exemple : le rythme respiratoire chez la plante est un reflet fidèle du rythme liant le soleil et la terre (jour/nuit) ; chez l’animal, il s’émancipe fortement.  Le Gui tente d’établir son rythme propre face au rythme des saisons : ses baies se développent en 9 mois (durée d’une grossesse) et peuvent rester 19-20 mois sur la plante. Dans les baies, on aperçoit par transparence des embryons qui se développent d’ailleurs au même rythme, que la baie soit sur la plante ou engluée sur une branche d’arbre.

A. LEROI est allé jusqu’à utiliser l’expression de plante « vivipare ». Dans la majorité des plantes, la fructification est marquée par l’arrêt des processus vitaux ; Chez le Gui comme chez l’animal, le processus de fructification se déroule en même temps et à côté des autres processus de vie.

Pour bien comprendre ce comportement si particulier du Gui, il nous faudrait citer longuement le livre « science de l’occulte » où R. STEINER dévoile le passé de notre terre. Nous nous contenterons de citer quelques passages de conférences qu’il fit à Stuttgart (4 au 16 août 1908) et à Nuremberg (17 au 30 juin 1908).

« Notre terre, aujourd’hui lieu de séjours des humains, a une origine infiniment lointaine… Notre système planétaire est passé par quatre états successifs que nous appelons Ancien Saturne, Ancien Soleil, Ancienne Lune et terre ».

« Lorsqu’on remonte par la clairvoyance jusqu’à l’Ancien Saturne, on découvre une planète bien étrange. C’est un corps céleste sur lequel rien n’existait de ce que nous appelons aujourd’hui minéraux, corps solides… plante, animal, rien de ce que nous connaissons sous forme d’eau, de gaz et d’air… la chaleur est le seul de nos états actuels qui ait existé sur Saturne… Tout était chaleur, mais chaleur organisée, différenciée… ».

Les traditions anciennes de certaines tribus, comme celles des Indiens sénales de Californie, affirment que le monde entier était autrefois un globe de chaleur, un globe de feu ; puis cet élément feu s’est intériorisé dans le cœur des arbres, dont il sort chaque fois que l’on frotte ensemble deux morceaux de bois.

« De tous les êtres qui peuplent notre terre, seul existait l’être humain en tant que corps physique à l’état de germe ».

« Après un certain temps, toute l’évolution saturnienne passe… dans un état purement spirituel qui ne serait pas perceptible pour des sens comme les nôtres. Puis apparaît la deuxième incarnation de notre planète : c’est l’étape solaire…,  l’astre est assez avancé pour émettre de la lumière… Il n’est plus seulement fait de chaleur ; la substance calorique s’est condensée en gaz, en air… C’est une masse d’air et de gaz qui par conséquent peut briller… Au germe primitif du corps physique humain vient s’incorporer un corps de vie ».

Après une nouvelle phase intermédiaire réapparaît une nouvelle forme d’existence, un troisième état que R. STEINER appelle l’ancienne lune… « Ce qui était gaz sous l’Ancien soleil se condense  jusqu’à l’état liquide ». Cette Ancienne Lune « était encore un globe liquide… (puis) elle s’est scindée en deux corps célestes, dont l’un fut le précurseur du soleil actuel et l’autre devint l’ancêtre de notre terre… Terre et Lune actuelles ne faisaient alors qu’un. Il y a donc d’un côté terre et lune ensemble et de l’autre le soleil ».

Le soleil entraîna avec lui les parties les plus subtiles, tandis que restaient dans l’Ancienne Lune les parties les plus grossières, denses. Avant la scission et la séparation du soleil, les germes humains et les ébauches des règnes animal et végétal étaient aux degrés d’évolution suivants :

  • Règne humain composé de trois corps : physique, éthérique, astral.
  • Règne animal composé de corps physique et éthérique.
  • Règne végétal composé d’un corps physique.

Du fait de cette séparation de l’astre solaire, les règnes franchirent une demi-étape dans leur évolution. Aussi à ce stade de l’Ancienne Lune dont la consistance était semi-liquide, « une sorte de tourbe », nous dit R. STEINER,  nous ne trouvions pas encore nos règnes actuels, « mais les règnes intermédiaires suivants : un règne homme-animal, un règne animal-végétal et un règne végétal-minéral. De même que nos minéraux forment actuellement le terrain solide sur lequel nous marchons, c’était en ce temps-là le règne le plus bas, intermédiaire entre la plante et le minéral, qui servait de terrain aux autres êtres… Les êtres intermédiaires entre l’animal et la plante se dégageaient de cet élément liquide et visqueux et tantôt étaient attachés par leurs racines à cette substance, tantôt se mouvaient. Nous remarquerons que les êtres mi-homme, mi-animal que nous décrit la mythologie sont des réminiscences de cette époque ancienne de l’évolution de notre globe terrestre.

« Reportons-nous sur l’Ancienne Lune… Tous les êtres qui habitent ce globe sont des ancêtres de tous ceux qui existent actuellement. Le règne minéral est né de ce qui, chez les êtres intermédiaires entre le minéral et la plante a dégénéré » ; et de même pour les deux autres règnes : « minéraux, plantes, animaux, hommes sont vraiment les descendants de ces êtres de l’Ancienne Lune. Il existe de nos jours des plantes très remarquables qui ne peuvent pousser sur un sol minéral, le Gui par exemple ».

Ce sont des plantes qui n’ont pas évolué avec les autres au point de ne pouvoir prendre racine dans notre terre et se nourrir dans le minéral solide qui en constitue l’écorce. Ces plantes attardées doivent être portées, comme aux temps lunaires, par un support, un sol vivant ayant la consistance de la corne ou du bois tendre.

Le Gui a un caractère extraordinaire qui le distingue de toutes les autres, au regard du clairvoyant. Il possède une sorte de corps astral qui entre en lui comme dans le corps des animaux. Et bien qu’il n’ait aucune sensibilité, il possède une certaine ressemblance avec l’animal : c’est parce qu’il appartient à l’espèce dégénérée des plantes-animaux de l’Ancienne Lune, qui ne sont pas devenues des plantes actuelles et ne peuvent, par conséquent, prendre racine sur un sol minéral. Elles n’ont pas pu arriver à ce point et ont donc besoin d’autres plantes sur lesquelles elles puissent se greffer. Le Gui en est resté aux conditions d’existence de l’Ancienne Lune. Les ancêtres des peuples européens ont su ces choses et les ont exprimées sous forme de légendes », en particulier celle du dieu nordique Baldour que nous exposerons plus loin.

Ainsi, pour R. STEINER, le Gui est un témoin de cette époque où la lune était encore unie à la terre. De là viennent ses vertus cachées spéciales, connues des druides. Le Gui est un hémiparasite, car il n’a pas appris, comme les autres plantes, à vivre directement sur un sol minéral. D’autres végétaux comme la cuscute, assez fréquemment  retrouvée sur les ajoncs en Bretagne, ou l’orobranche sont également des parasites végétaux.

 

  1. LES MYSTERES DRUIDIQUES ET LE GUI SELON RUDOLF STEINER.

R.STEINER dit (3.6.1907) que les légendes et les coutumes que nous connaissons sur le Gui viennent des mystères celto-druidiques. Dans les mystères d’Hibernie, l’état de « druide » désigne le troisième degré de l’initiation. Le prêtre ou le sage était comparé au chêne (22 mars 1905) dont la structure ligneuse est un vestige d’un état reculé de l’évolution de la terre appelé Ancienne Lune dans la cosmogonie steinerienne dont nous venons de parler (3. 9. 1923). Le chêne en tant qu’arbre est apparenté à l’impulsion de Mars qui se manifeste dans l’évolution terrestre de l’homme par l’incarnation du Moi.

Chaque touffe de Gui blanc que porte le chêne est considérée comme un cadeau du ciel et donc comme la marque d’un dieu.

Le chêne porteur du Gui symbolise l’homme terrestre doué de l’élément du Moi (du « Je »), mais puisant toutes ses connaissances aux sources de l’ancienne clairvoyance, héritage de l’Ancienne Lune.

Ainsi, selon D. BOIE, au troisième degré initiatique des mystères druidiques, la conscience recevait la marque d’un dieu par le « présent céleste de l’ancienne clairvoyance ».

La sagesse des druides était comme un écho inconscient de l’époque où la terre réunissait encore en elle la masse du soleil et celle de la lune. L’initié découvrait l’influence spirituelle du soleil dans l’espace intérieurement obscur des dolmens. Il ressentait comment la collaboration des forces solaires et lunaires donnait forme à la vie des différents règnes. Le druide observait l’action bienfaisante des êtres élémentaires au niveau de racines, des feuilles, des fleurs, du fruit de la plante ; puis en voyant ces entités élémentaires échanger cette activité bénéfique contre l’action dévastatrice du gel, de la tempête, de la grêle et de la foudre, l’initié apprenait ainsi des processus susceptibles d’aboutir à des substances médicinales. Il développait de cette manière un art et une science médicale dont le « seul livre était celui de l’univers lui-même » (Paracelse – R. Steiner 10.9.1923). Une intuition pleine de sagesse poussait nos ancêtres à « chercher dans le Gui des substances et des forces particulièrement douées de vertus curatives ».

Dans la perspective qui guidait les druides, les maladies apparaissaient comme  le résultat des imperfections de l’évolution sur l’Ancienne Lune. Le Gui était le symbole de ce qui restait de cette étape (22.3.1905). Aussi, selon la loi d’analogie, qui veut que seules deux ou plusieurs choses liées par une origine ou une nature semblable puissent agir l’une sur l’autre, le Gui était susceptible de remédier à ces imperfections.

Ce qui s’oppose à l’évolution normale et saine peut et doit être transformé afin de devenir une aide, un remède à ce qui dans l’homme a évolué de façon anormale.

Les druides eurent la grande intuition de percevoir dans le « Gui des forces de guérison d’une nature toute particulière ».

 

                   7.- LE MYTHE DE BALDOUR

Dans la mythologie scandinave, Baldour (Balder), fils du dieu Odin, était de tous les immortels le plus sage, le plus doux, le plus chéri.

Voici l’histoire de sa mort telle qu’on la trouve dans l’Edda en prose :

« Une fois, Baldour en dormant eut des rêves écrasants qui semblaient présager sa mort. Là-dessus, les dieux tinrent conseil et résolurent de le mettre à l’abri de tout danger. La déesse Frigga (sa mère) fit donc jurer au feu et à l’eau, au fer et à tous les métaux, aux pierres et à la terre, aux arbres, aux maladies et aux poisons, à tous les quadrupèdes, aux oiseaux et aux êtres qui rampent, de ne faire aucun mal à Baldour. On crut dès lors Baldour invulnérable. Aussi les dieux s’amusaient-ils à le placer au milieu d’eux et à lui lancer des flèches, des pierres, à le frapper à coups de hache ; mais rien de ce qu’ils faisaient ne pouvait le blesser et ils s’en réjouissaient. Seul Loki, le malfaisant, était mécontent. Alors, déguisé en vieille femme, il alla trouver Frigga qui lui dit que les armes des dieux ne pouvaient blesser Baldour, puisqu’elle leur avait fait jurer à tous de ne pas lui faire du mal. Et Loki demanda : « Est-ce que toutes choses ont juré d’épargner Baldour ! » Elle répondit : « A l’est de Walhalla croît une plante appelée Gui ; elle m’a paru trop jeune pour prêter serment ». Loki alla donc cueillir cette plante et il la porta à l’assemblée des dieux. Il y trouva Hödour (Hother), le dieu aveugle, qui se tenait en dehors du cercle. Pourquoi ne tires-tu pas sur Baldour » ? demanda Loki. Hödour répondit : « Parce que je ne vois pas où il est ; d’ailleurs je n’ai pas d’arme ». « Fais comme les autres, et honore Baldour ; Je t’indiquerai où il est ; décoche-lui ce rameau ». Hödour prit le Gui et le lança sur Baldour, suivant les indications de Loki. Le Gui atteignit Baldour et le transperça de part en part : le dieu tomba raide mort. Et ce fut le plus grand malheur qui frappât jamais les hommes et les dieux. Sur le moment, les dieux restèrent muets, puis ils poussèrent des cris et pleurèrent amèrement.

Dans l’ancien Edda, écrit en vers, allusion est également faite à l’histoire de Baldour. La Sibylle norroise en témoigne dans la prophétie connue sous le nom de Voluspa :

             « J’ai vu Baldour

               Le dieu flamboyant

               Le fils d’Odin

               Menacé d’un sort fatal.

               Dans les hauteurs

               Au-dessus des prairies

               Avait poussé

               Le Gui tendre et délicat.

               Du Gui partit

               Comme je le vis

               Un chagrin terrible

               Lorsqu’Hödour le lança.

               Dans Feu-hall Frigga

               Le malheur du Wal-hall pleurera ».

Cependant, en regardant plus loin dans l’avenir, la Sibylle aperçoit, dans une vision plus heureuse, de nouveaux cieux et une nouvelle terre où les champs, sans être cultivés, produiront en abondance et où toutes les douleurs seront consolées. Alors Baldour reviendra habiter les demeures bienheureuses d’Odin, dans un palais plus brillant que le soleil, recouvert de tuiles d’or, où les justes vivront à jamais dans la félicité.

R. STEINER nous dit que nos ancêtres connaissaient les époques très reculées de l’évolution de notre monde, et qu’ils exprimèrent ces vérités sous forme de légendes (Leg-endere : récit très véridique) et de Mythes, conservant ainsi le souvenir de ces choses.

A chaque étape de l’évolution, « des êtres restent en arrière par rapport à d’autres… Le Gui est une plante de cette espèce… La légende de Baldour laisse bien entendre que le Gui n’appartient pas réellement à notre terre, qu’il lui est étranger ». Frigga dit : « elle (la plante de Gui) m’a parue trop jeune pour prêter serment » : trop jeune au sens où elle est restée à un stade antérieur de l’évolution terrestre. Le Gui est une plante qui présente beaucoup de similitude avec une jeune plantule, notamment le fait que ses feuilles sont très semblables aux cotylédons d’arbres. Elle (la légende) célèbre en Baldour le dieu du soleil qui éclaire la terre et lui donne sa force. Nul être terrestre ne peut lui être hostile. Le dieu Loki qui est, lui aussi, un être retardataire, ne trouve sur terre aucune créature capable de tuer Baldour. Seul le Gui peut lui servir à cette fin, car c’est une créature étrangère sur la terre, tout comme Loki est un étranger parmi les divinités terrestres ».

Baldour est aussi le représentant de la conscience en perpétuelle évolution. Loki est celui qui déteste le progrès et refuse de s’intégrer dans le courant de l’évolution : « lorsque la clairvoyance ancienne a été relayée par la pensée de la conscience éveillée, se déclenche un véritable combat entre le principe ancien, incarné par Loki, et le principe nouveau incarné par Baldour (R. STEINER 24 .12.1916).

D’après R. STEINER, le nom de Baldour vient de « Bal -day » : la lumière du jour (Wal-hall ?).

C’est l’aveugle Hödour qui a lancé la flèche mortelle en bois de Gui. Hödour représente le monde matériel extérieur, non relié à l’impulsion spirituelle qui le sous-tend et dont il est la manifestation visible.

Hödour personnifie également l’humanité devenue aveugle aux réalités du monde spirituel et qui, sans le savoir, se rend coupable de la mort de son frère. C’est ce qu’exprime R. STEINER dans les conférences du 24.04.1906 et du 24.12.1916.

Le crépuscule des dieux – la disparition de l’ancienne clairvoyance – était nécessaire pour que se développât la pensée claire. Mais, comme le dit la légende, Baldour reviendra dans un monde renaissant et habitera pacifiquement avec son frère Hôdour clairvoyant dans les demeures des dieux : lorsque l’humanité aura retrouvé la conscience de l’esprit, cette nouvelle pensée du cœur capable de révéler au monde matériel terrestre son origine, sa véritable nature et son accomplissement à venir, alors l’Homme vivra dans l’harmonie avec l’univers et sera lui-même un temple du divin.

 

Extrait de l’ouvrage « LE GUI ET LE CANCER »

Publié avec l’autorisation de l’auteur.